18 février 2011
Texte Max-Antoine Guérin
Le langage musical du monde industriel
Ce soir là, au cœur de la très poétique vallée de l'aluminium, dans la salle de spectacle modeste mais enchanteresse du Bar à Pitons, en plus des habitués, plusieurs curieux étaient venus assister au spectacle d'un monstre de la scène régionale, Stéphane Bouliane alias Phano. L'artiste, qui a aussi trempé dans le monde hétéroclite de la « perf » et des laboratoire de création musicale n'en était pas à ses premiers tâtonnements hors des sentiers battus de la musique cohérente.
De la traditionnelle guitare reçue en cadeau a 10 ans, il tire une musique étrange et s'enregistre pour s'écouter. Il se joint ensuite du groupe de jeunesse les Grumpies. Puis, quelques années plus tard, de retour de l'ouest canadien, il tente sa chance encore une fois à Montréal sous le nom de 20-20-20, tentative infructueuse. Puis il revient en région, recommence a travailler seul de son côté sous le nom de Phano, enregistre, se promotionne, fait des spectacles et des demandes de subvention. Puis un album folk « si c'est pas
d'un bord... » parait. Stéphane, que certains connaissent sous le nom de Phano l'imposteur mais qui est plutôt depuis un moment accompagné de l'épithète « et associés », puisqu'il fait graviter plusieurs autres musiciens autour de lui, est un musicien étonnant.
Mais même ceux qui l'avaient déjà vu n'auraient pu se douter de ce qui adviendrait ce soir là. Ce qui me fait dire à la blague que si Frankenstein s'était adonné à la musique, ça aurait probablement ressemblé à ça. Sa musique, gorgée d'électricité, d'interférences, d’échantillonnages inimaginables et de rythmes sinusoïdaux, rappelait vaguement les propos du philosophe Walter Benjamin qui parlait de la « traduction des sons (..) de l'environnement industriel en langage musical ». Expérimentation intense à la frontière de la musique et du bruit, les sonorités fluctuantes faisaient visiter d'autres planètes où les machines chantaient d'étranges mélopées électroniques. Comme le disait Phano en entrevue avec votre humble serviteur, « je crois beaucoup à ça, prendre des risques qui nous amène ailleurs ».
Accompagné cette fois-ci par son bon ami Réal Gagnon alias « Réal Électro », il ont exploré une pléiade de rythmes et de sonorités, plus à la manière de deux savants fou dans le confort de leur laboratoire que d'un spectacle traditionnel avec une « playlist », la performance étant, nous le confiait l'artiste, une improvisation « de long en large ». À l'aide d'un beat box, d'un iPhone, d'un ordinateur, d'une guitare, d'un harmonica et de plusieurs autres machines étranges qui n'ont pas de noms, l'effet était réussi, on y était dans cet « ailleurs ».
Les deux comparses s'amusait comme deux enfants dans un « carré de son ». Batifolant entre les registres et les tempos. Entre les mélodies agressives et les mélodies douces, entre l'harmonie et le chaos. En plus de tout ça, surajoutant une autre dimension à l'expérience, Hervé Leclerc a fait figure « d'éclairagiste expérimental », puisqu'il avait traficoté, comme il me le mentionnait, un jeu « d'éclairage classique avec des lampes de salons et de jardins » en plus d'un « système de gyrophare » et d'un chapeau stroboscopique. À la barre de sa multi-prise « installée sur des gradateurs faisant office de console d'éclairage » il a aussi projeté sur le mur des court-métrages abstraits tout en ponctuant la présentation à l'aide d'une « machine à boucane ».
J'espère avoir bien retranscrit l'expérience de cette soirée, mais je ne suis pas sur d'y être parvenu. Ce qu'il nous ont présentés ce soir là est difficilement qualifiable, encore moins catégorisable dans un genre musical traditionnel, les mots me manquent.